C'est dans un grand hôpital de Chicago, que le 8 octobre 1992, Grace Montgomery vit le jour. Des parents aimants, une grande soeur excitée à l'idée de voir la famille s'agrandir. Les Montgomery. Nom plutôt bien connu à Chicago, monsieur et madame étant tous deux des chirurgiens réputés dans la région. C'est donc dans le plus grand confort que se passa l'enfance de Grace. Une enfance calme et douce. La jeune Montgomery fut élevée en bonnes et dues formes, fut inscrite dans la plus prestigieuse des écoles privées de Chicago, et reçut de bonnes notes. Du moins, cela dura jusqu'à ses dix-huit ans.
Lassée, exténuée de devoir répondre au code que lui dictaient ses parents, Grace montra un nouveau visage. Elle termina son lycée avec des notes honorables et avoua finalement à ses parents qu'elle ne souhaitait pas aller à l'université. Cette nouvelle retourna la maison. Une Montgomery était destinée à un avenir brillant, fait de diplômes, de récompenses et de succès en tous genres. Qu'elle choisisse de faire du droit, de la médecine, de la psychologie, de la philosophie, peu importait à ses parents. Le tout était qu'elle étudie et qu'elle ait la carrière la plus prestigieuse possible. Seulement, rien de tout ça n'intéressait Grace. Ce qu'elle aimait elle, c'est l'aventure, vivre au jour le jour, être heureuse en vivant à sa façon. Et faire quelque chose qui lui plait. Et en vérité, le seule domaine qui l'avait toujours vraiment passionnée était la mode. Depuis toujours, la cadette Montgomery avait été douée pour accorder les couleurs, les textures, les motifs ensemble. Mais cela était-il bien sérieux ? Pas aux yeux de ses parents, qui ne voyaient là qu'un caprice de jeune fille.

Grace claqua la porte.
Boston. Elle avait entendu parler de cette ville immense, pleine de promesses. Un nouveau départ, enfin. De sa vie d'avant, elle ne regrettait rien. Sauf sa soeur, avec qui elle s'était toujours très bien entendue, et qui avait été la seule à la comprendre et à essayer de la soutenir. Elle lui promit alors de lui écrire souvent de là où elle serait. Et Grace prit l'avion avec les économies que ses parents avaient épargnées sur son compte bancaire. Et une fois arrivée à destination, après avoir trouvé un logement, Grace se mit en quête d'un emploi, car, ce qu'elle ne voulait surtout pas, c'était vivre au crochet de ses parents. Elle avait voulu son indépendance, elle l'assumait. De petit boulot en petit boulot, elle empochait des sommes plutôt misérables, mais elle s'en moquait : elle aimait sa vie à présent. En un an, elle avait un peu touché à tout : de serveuse à fleuriste, en passant par libraire, elle avait enchaîné les jobs, ayant bien du mal à trouver un peu de stabilité.
Sa vie à présent se résumait à ces choses qu'elle adorait : dormir, manger, retrouver ses amis, faire la fête (un peu trop) et s'acheter toujours plus de vêtements. Elle ne laissait aucune routine s'installer, veillant bien à toujours aller vers de nouvelles personnes, visiter de nouveaux quartiers. Plus rien ne lui faisait peur. La petite Montgomery qui autrefois rêvait en silence dans sa chambre à Chicago voyait ses rêves se réaliser. Sauf un. Celui de travailler dans le domaine de la mode. Plusieurs fois, on lui avait fait comprendre qu'on ne voulait pas d'elle. Elle essaya pourtant, réessaya. Elle fut recalée à chaque fois.

Un an avait passé depuis son arrivée à Boston. Désormais, Grace travaillait au Starbucks Coffee de son centre commercial préféré. Elle avait abandonné ses rêves concernant le milieu de la mode, avait rangé ses croquis au fond d'un tiroir. Elle disait aux autres que finalement, elle s'en fichait, que sa vie était très bien comme elle était. Mais quelque part, elle savait très bien que ce n'était pas vrai : ses parents avaient-ils eu raison ? Aurait-elle mieux fait de poursuivre ses études ? Elle commençait à y croire... Mais elle tenait à rester à Boston. Sa vie était là maintenant. Et elle voulait tenir tête à ses parents. Ceux-là ignoraient d'ailleurs ce que leur fille était devenue. Ils n'avaient que rarement des nouvelles de Grace par téléphone ; leurs conversations ne duraient jamais plus de cinq minutes. S'ils pensaient que leur fille était toujours sérieuse, volontaire, travailleuse, la véritable Grace n'était rien de tout ça. Délurée, hostile aux règles, insouciante, voilà ce qu'elle était. Et elle atteignait à présent une frontière, une limite où elle était prête à basculer. La jeune Montgomery obéissait encore à un strict minimum de règles, mais pour combien de temps encore ? Allait-elle encore perdre son job ? Qu'allait-elle devenir ? La verrait-on traîner de plus en plus souvent dans les bars ? Seul son nom la raccrochait à certaines valeurs. Mais on dit souvent que les rencontres peuvent changer le cours de nos vies. Il en suffirait d'une seule.