De l’eau coulait sur le corps nu d’Emrys. Il attrapa une minuscule bouteille remplie d’un liquide rosâtre qu’il versa dans sa main, avant de le laisser tomber dans ses cheveux, et de frotter sa masse capillaire pour faire mousser, et puis surtout, laver. La douche était de plus en plus chaude, si bien qu’il finit par se décider à baisser la température avant de se mettre à chanter, doucement : « It’s raining man … ». Bon, il ne pleuvait pas exactement des hommes, m’enfin, de l’eau coulait tout de même sur son corps, comme s’il pleuvait, sauf qu’il était dans le bain/douche d’un hôtel Cinq étoiles d’une des plus belles rues de la ville, mais bon, presque !
Lorsqu’il finit par sortir, dix minutes plus tard, il était tellement propre qu’il brillait presque. Il n’avait pas de rasoir, alors sa barbe allait devoir rester ainsi un jour de plus. Pas grave, paraissait qu’il était sexy, avec une barbe de trois jours … Merde, il n’avait pas de vêtements de rechange … Il n’était pas vraiment prévoyant, à vrai dire, jamais, il ne prévoyait jamais rien. Rho. Tant pis. Il attrapa un peignoir de l’hôtel, l’enfila, le noua au niveau de la taille, et sorti de la salle de bain. Un grand soleil éclairait la pièce principale, maintenant, et dans les miroirs sur la gauche, on pouvait voir un corps encore enfoui sous les draps du lit, la tête sous un oreiller. Emrys roula des yeux, et jeta un œil à sa montre. Mpf, vingt minutes, ce qu’il était lent, ce service d’étage !
Au moment où il se disait cela, quelqu’un toqua à la porte. Enfin, son ventre allait cesser de gargouiller. Après un dernier coup d’œil vers le lit, Emrys se jeta vers la porte, l’ouvrit, et vit débarquer dans l’entrée de la chambre un groom suivit d’un plateau à roulettes, sur lequel était posés différents plats. Emrys, l’œil mécontent, arrêta l’employé tout en regardant chaque plat avec attention :

« Vous vous fichez de moi, là, monsieur. Je vous ai précisé au téléphone que j’étais allergique au porc, et vous me servez du bacon ? Et puis vous le trempez bien partout, dans les œufs brouillés aussi, bien sûr, histoire que même si je ne mange pas la viande, je crève quand même ? »

Emrys n’était pas du tout allergique au bacon, il adorait, le bacon, à vrai dire ! Mais ce mensonge allait mener à quelque chose qui lui ferait plaisir, ne vous en faites pas …

« Oh monsieur, je suis désolé monsieur, ça ne se reproduira plus monsieur, je vais aller rectifier se problème tout de suite monsieur, et le petit déjeuné sera offert par la maison, désolé encore monsieur, je reviens au plus vite ! »
« Merci ! Pas de bacon hein ? »
« Compris monsieur ! »

Parfait, parfait, parfait, et voilà une chose en moins à payer. Quoi ? Ça coûte cher, les petits dej au lit dans les hôtels cinq étoiles, et Emrys tentait de faire des économies, mais oui, parfaitement ! Et sa technique de culpabilisation du groom, si elle était terriblement méchante, avait parfaitement fonctionné. La journée commençait bien.

Emrys se retourna, et se dirigea à nouveau vers le lit. La personne qui y habitait était enfin réveillée.

« Bonjouuuuur belle au bois dormant ! »

Le jeune homme se précipita vers le lit, sauta dessus, presque sur la personne, et finit par s’allonger, les cheveux encore trempés, sur un oreiller blanc.
« On va avoir un super petit dej, content Teddychou ? »

Teddychou, c’était l’occupant du lit, alias Teddy-Lloyd, le meilleur ami en chef d’Emrys. Sa tête était encore un peu endormie, et il était trop mignon, avec la tête endormie. Emrys lui sourit, et se souvint par flash de la soirée de la veille.
Ils ne savaient pas où sortir, ayant écumé toutes les boîtes de nuit de la ville, cette semaine-là. Alors, ils avaient roulé (à vélo) jusqu’à un hôtel, qui semblait animé par une certaine ambiance : en effet, plus de 150 personnes étaient invitées pour fêter la bar-mitsvah d’un petit garçon (dont Teddy et Emrys n’avaient jamais entendu parlé). Bien évidemment, les deux meilleurs amis s’incrustèrent, à cette fête, ce n’était pas drôle sinon : toute la nuit, ils dansèrent et profitèrent du buffet gratuit et illimité en nourriture et en boisson. C’était parfait. Puis, vers trois heures du matin, quand la plupart des personnes étaient parties, et quand Emrys avait réussi à se débarrasser de toutes ses prétendantes, Emrys et lui étaient allés réserver une chambre dans ce même hôtel, pour passer la nuit. Evidemment, ils avaient dormi dans le même nuit, et avaient cuvé pendant de longues heures. Quand Emrys s’était réveillé, il était midi passé, et il s’était rué sur le téléphone pour appeler le room service et commander un petit déjeuné pour deux, dans la chambre. Bien sûr, il n’avait pas précisé qu’il était allergique au bacon, sinon son plan n’aurait pas marché. Puis il était allé se doucher, et la suite, vous la connaissez.

« Dis chaton, dans ton sac magique, t’as pas un caleçon propre pour moi, par hasard ? »

Teddy était assez prévoyant, contrairement à Emrys. Teddy était beaucoup de chose « contrairement à Emrys », d’ailleurs. Celui-ci s’allongea encore plus dans le lit, et se mit à fixer la baie vitrée, derrière laquelle on pouvait voir toute la ville, puis il regarda son meilleur ami, l’air un peu nostalgique au visage, et fit :

« Pourquoi on est amis, Tedamour ? Nan mais parce que, je veux dire, on se ressemble pas beaucoup, quand même, on a plein de différences … Je suis super dragueur, et tu es encore puceau, je dépends de mon père, et toi plus du tout, je suis pas du tout prévoyant, toi oui, je fume comme un pompier, et toi c’est à peine que tu termines trois clopes en soirée, je me lève tôt, et toi tard … Qu’est ce qui a fait que tu es aujourd’hui si important pour moi, hein ? »